Le Parisien : Affaire Narumi : les enquêteurs accablent le principal suspect
L’ex-petit ami chilien de cette étudiante japonaise disparue à Besançon en 2016 a fui dans son pays. La justice française vient de dévoiler des éléments accusateurs sur sa responsabilité.
L’ex-petit ami chilien de cette étudiante japonaise disparue à Besançon en 2016 a fui dans son pays. La justice française vient de dévoiler des éléments accusateurs sur sa responsabilité.
Certes, il en manque la pièce maîtresse : un corps. Mais pour le reste, l’affaire Narumi est « un puzzle dont toutes les pièces ont été reconstituées, et s’emboîtent parfaitement », selon les mots du procureur de la République de Besançon, Étienne Manteaux.
Ce jeudi matin, le magistrat a pris la parole pour une ultime conférence de presse concernant la disparition de cette étudiante japonaise de 21 ans, le 5 décembre 2016. Si l’on poussait l’analogie à une partie de carte qui se jouerait entre les autorités françaises et chiliennes, on glisserait qu’à l’heure où l’instruction est achevée, Étienne Manteaux a abattu un jeu fourni pour obtenir l’extradition de Nicolas Zepeda Contreras, principal suspect de l’assassinat de la jeune femme.
Adressée ce jeudi même au ministère français de la Justice, la demande transitera ensuite par celui des Affaires étrangères, qui la transmettra à ses homologues chiliens. Au-delà d’une synthèse de 27 pages, c’est bien de l’ensemble du dossier d’instruction, traduit en espagnol, que disposeront les Chiliens, qui pourraient répondre en quelques mois. Se jouera alors la présence de Zepeda à un procès qui devrait se tenir, avec ou sans lui, courant 2020. Tout porte à croire qu’il a prémédité son geste
En l’absence de convention d’extradition entre les deux pays, la possibilité qu’il soit remis à la France repose uniquement sur « la courtoisie internationale » du Chili. Et le moins qu’on puisse dire, c’est que, jusque-là, les Chiliens n’en ont pas vraiment fait preuve.
Dans son pays, jamais Zepeda n’a été inquiété judiciairement. Quant à la possibilité qu’il soit « dénoncé » par les Français, pour être jugé à Santiago, les autorités chiliennes l’ont balayée d’un revers de main.
Une attitude difficilement compréhensible, tant le dossier, même privé du poids d’une autopsie, est sur le papier accablant. Si la demande d’extradition évacue les poursuites pour « enlèvement et séquestration », se focalisant sur l’« assassinat », c’est que tout porte à croire que le jeune Chilien a prémédité son geste. Avec Narumi, il dit avoir vécu « 19 mois et 16 jours » d’une relation amoureuse débutée en février 2015, lorsqu’il étudiait dans la même université qu’elle, celle de Tsukuba, non loin de Tokyo. Il en date la fin au 6 octobre 2016.
Quelques semaines plus tôt, Narumi est arrivée à Besançon pour un an. Une étudiante promise à un brillant avenir, jugent tous ses professeurs. La meilleure preuve en est qu’elle bénéficie d’une bourse d’étude du gouvernement japonais, extrêmement sélective. « Son départ du Japon a créé une situation inconfortable au sein de notre couple », euphémisera Zepeda la seule fois où il s’exprimera, à son initiative, le 30 décembre 2016, devant les policiers chiliens.
Jaloux d’un étudiant français
Après coup, au vu des expertises diligentées par les enquêteurs de la PJ de Besançon, il apparaîtra que 980 messages ont été échangés entre Narumi et Nicolas à cette période. Rien que le 5 septembre 2016, jour où leur rupture semble se précipiter, les deux s’adressent 646 messages en trois heures. Lui est amer. Accuse Narumi d’avoir « tout détruit ».
Le 7 septembre, dans une vidéo publiée sur Dailymotion, le Chilien se fait cette fois menaçant : « Il faut qu’elle construise la confiance. Elle doit payer », lâche-t-il face caméra, le regard sombre.
L’automne précédent, il l’avait présentée à sa famille au cours d’un mois de vacances au Chili, et annonçait à ses proches vouloir faire sa vie avec. Mais en ce début octobre 2016, rien ne va plus. La jeune Japonaise a visiblement une autre vision de son propre avenir. « Je ne suis pas en France, et tu me prends pour un idiot », lui reproche Nicolas. Il en veut pour preuve les fréquentations masculines de la jeune femme, notamment un certain Arthur.
Narumi Kurosaki et Nicolas Zepeda Contreras./DR
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Enceinte de son assassin présumé ?
Le hasard veut que ce jeune Français revient lui-même d’une année d’étude au Japon, à Tsukuba justement. Il s’est lié d’amitié avec Narumi en Franche-Comté et Zepeda pressent à juste titre qu’une idylle est en train de se nouer. À Narumi, il ordonne qu’elle supprime Arthur de ses contacts Facebook, ainsi que deux autres amis. Celle-ci s’y refuse. « Je voulais me marier, avoir une maison, des enfants avec toi… » se désole Zepeda.
A l’inverse, Narumi lui reproche « de pourrir (s)es études en France ». Surtout : « je n’oublierai jamais que tu m’as mise enceinte », lui expose-t-elle, déplorant que le Chilien ne l’aide pas financièrement sur ce point, qui a cristallisé de larges investigations. Car au vu des conversations, c’est bien au présent que parle alors Narumi, dont les enquêteurs ont tenté, sur le plan administratif, comme auprès des hôpitaux du secteur, d’avoir confirmation de sa grossesse, sans y parvenir.
Le 8 octobre, un dernier échange entre les deux jeunes gens se solde par un « je t’aime » du Chilien, qui sonne comme une épitaphe.
« C’est la raison pour laquelle nous allons mener, dès le dimanche, une perquisition avec beaucoup de moyens, comme le Bluestar, pour révéler les traces de sang. »
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