L’affaire Flactif : Une enquête résolue grâce au Bluestar

Sur une scène de crime, il fait parler les taches de sang

« En pénétrant chez les Flactif, j’ai immédiatement constaté les traces de coups d’éponge dans le petit salon et suspecté un nettoyage intégral du chalet. » L’adjudant Philippe Esperança, 39 ans, n’oubliera jamais ce 18 avril 2003.

 Spécialiste français de la morpho-analyse des taches de sang, il a dû attendre son tour pour passer la maison au peigne fin : « Nous n’intervenons que lorsque toutes les autres constatations sont terminées. »

Le Bluestar, star mondiale

Le résultat en valait la peine. « Comme sur chaque scène de crime, j’ai pulvérisé notre produit habituel, le Bluestar. Sa grande qualité, c’est qu’il laisse intactes les empreintes ADN, explique Philippe Esperança. Autre avantage, il permet de travailler dans la pénombre alors qu’auparavant, il nous fallait le noir absolu. En trois jours dans le chalet, l’analyse des quelques traces de sang visibles et l’utilisation de ce produit chimique ont mis en évidence cinq sites de saignement – autant que de victimes – et un site de stockage. » L’hypothèse d’un quintuple meurtre sur place se dessinait. « À partir de ce moment-là, mes collègues gendarmes ont cessé de chercher la famille Flactif ailleurs qu’au Grand-Bornand. »

Les analyses ADN démontreront que, parmi ces taches de sang, parfois minuscules, il y avait celui des cinq membres de la famille Flactif. Mais aussi des traces laissées par des employés ou des visiteurs du chalet ces dernières années. Plus deux ADN inconnus. L’un était celui de David Hotyat.

Depuis qu’il a contribué à résoudre le mystère du Grand-Bornand, Philippe Esperança donne des conférences dans le monde entier et travaille avec les Américains du FBI. Entomologiste de formation (étude des insectes), il était naturaliste au Jardin des plantes avant de devenir gendarme. Formé durant trois ans au Canada, il a créé le service de morpho-analyse des traces de sang, à l’IRCGN (1) de Rosny-sous-Bois, en 1999. Et comme les produits chimiques antérieurs ne lui convenaient pas, il a lui-même mis au point le Bluestar. « Ce produit a fait le tour du monde en un an. Il est tellement puissant qu’on a identifié de l’ADN sur des vêtements lavés à la machine et dans une cuisine nettoyée à haute pression. » La plus vieille trace de sang retrouvée en France, dans une affaire criminelle, remonte à 17 ans.

Une centaine d'affaires par an

Philippe Esperança peut vous faire un cours sur la différence entre la forme des traces de sang dégradées (lorsqu’une main les a changées d’endroit) ; les traces de sang passives, dues à la pesanteur et les traces de sang projetées, lorsqu’une force – celle de l’agresseur – s’ajoute à la pesanteur. « Comme le sang gicle assez loin, ces analyses peuvent nous permettre de calculer la trajectoire du coup porté, la position de la victime ou de l’agresseur, la nature de l’arme employée, la distinction entre un coup et un choc, etc. » Lors d’un suicide dans un champ de maïs, près de Toulouse, les spécialistes avaient retrouvé des gouttes de sang véhiculées par des insectes.

La semaine où nous l’avons rencontré, Philippe Esparança avait à son agenda trois reconstitutions de crime, dont une en Guadeloupe et deux témoignages en cour d’assises. « Nos collègues gendarmes, voire les juges d’instruction directement, nous appellent sur une centaine d’affaires par an. » Mais les gendarmes ne sont pas là « que » pour servir l’accusation. L’adjudant Esperança se souvient d’avoir conclu à l’accident d’un ivrogne mort en tombant sur une bouteille de champagne. En mars 2005, devant les assises de Nantes, son expertise a aussi contribué à faire acquitter Joaquim, jeune homme accusé du meurtre d’un ami. « Pour nous, il s’agissait d’un suicide. »

Michel TANNEAU.

(1) Institut de recherche criminelle de la Gendarmerie nationale.

 


 

 

Jalousie – RTL – 16/09/2003

Le scénario de ce qui s’est passé le 11 avril au chalet des Flactif est en train de se confirmer, écrit par les enquêteurs selon les aveux du suspect n°1, locataire insatisfait, ballotté de logement en logement par son bailleur. Bien décidé, son scénario en place, David Hotyat rentre seul dans le chalet entre 18h30 et 21h dans la cuisine où se trouvent Xavier Flactif et deux de ses enfants. Il tire avec son revolver 6.35. La mère entend les coups de feu, elle est abattue alors qu’elle monte les escaliers. Il abat le dernier enfant à l’étage dans sa chambre, aurait-il raconté lors de son audition, c’est la que les enquêteurs retrouvent le plus d’indices: sang, morceaux de dents, et une douille du revolver. C’est sur cet ordre des victimes que David Hotyat se contredit, laissant envisager qu’il y a encore des zones d’ombre. Il a expliqué avoir ensuite brûlé les corps de Xavier Flactif, de son épouse et de leurs enfants dans une forêt de la région, après les avoir chargés dans un véhicule et conduits à 10 km de là. Il revient ensuite au Grand Bornand, l’air de rien, en inventant une histoire pour expliquer leur disparition.

Comment David Hotyat a été identifié

L’Institut de recherche criminelle de la gendarmerie nationale avait affaire à des traces de sang dans le chalet vide des Flactif, des traces de sang qui avaient été lessivées, effacées. Malgré tout, les scientifiques de la gendarmerie ont d’abord réussi à identifier l’origine de ce sang, il appartenait aux cinq membres de la famille Flactif, puis ensuite, des analyses très poussées ont permis d’établir que le sang de plusieurs des membres de la famille était mélangé avec un autre sang, une autre trace génétique, c’est cette trace génétique, cet ADN appartient à David Hotyat.

C’est parce que cet ADN a été retrouvé mélangé au sang de plusieurs des victimes que les gendarmes, avant l’arrestation, avaient déjà la conviction que le propriétaire de cette trace génétique était le meurtrier. C’est grâce à cet ADN que les gendarmes ont pu remonter le fil. Depuis le mois de mai en effet, les gendarmes ont prélevé l’ADN de 130 personnes, des relations commerciales, des artisans, et des proches des Flactif. C’est de cette manière que les enquêteurs ont pu cibler le principal suspect.


France Info – 17/09/03

David Hotyat a été confondu par les prélèvements ADN effectués sur près de 130 personnes qui avaient des relations avec Xavier Flactif et sa famille, ou vivant dans la région. L’empreinte génétique de David Hotyat correspondait au mystérieux sixième ADN retrouvé dans le chalet aux côtés des empreintes des cinq membres de la famille. Le promoteur immobilier, sa femme, Graziella Ortolano, et leurs trois enfants ont été vus pour la dernière fois le 11 avril en fin d’après-midi. Les investigations ont permis de découvrir dans leur chalet de multiples traces de sang appartenant aux membres de la famille, une douille et des éclats de dents. Du sang appartenant également aux disparus a été découvert dans le véhicule de Xavier Flactif retrouvé le 13 mai, abandonné à proximité de l’aéroport de Genève-Cointrin, du côté suisse.

Selon Alexandra Lefèvre, Hotyat lui a rapporté avoir d’abord abattu deux enfants, seuls au chalet, puis leur mère, le dernier enfant et enfin le père. Alors qu’il nettoyait les traces de sang, une torche électrique dans la bouche, Hotyat, pris de nausées, a été dérangé par l’appel d’un locataire de Flactif puis l’arrivée d’un livreur de pizzas…

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